⚠️ Attention ! Cet article contient des spoilers sur Matrix Resurrections ! ⚠️
Matrix Resurrections est sorti en décembre et a fait un flop au box-office. Le film a notamment été descendu par des critiques et spectateurs visiblement passés à côté de son discours, de son côté méta et du regard qu’il porte sur son époque, vingt ans après la trilogie originale (ça, c’est dit).
Mais soit. Peut-être n’avait-on pas vraiment besoin d’un quatrième Matrix. Il n’en reste pas moins que ce dernier opus a creusé des choses intéressantes et bouclé certaines thématiques de la saga. Parmi celles-ci, le rôle de Trinity : et si, finalement, Neo n’avait jamais été le vrai héros de Matrix ?
💌 Sans Trinity, pas d’Élu
À la fin de Matrix Revolution, Trinity et Neo avaient été laissés pour morts. La résurrection de Matrix 4, ce sera donc celle de l’une et de l’autre autant que celle d’une saga qu’on croyait terminée il y a vingt ans. Ce sera aussi la résurrection d’une histoire d’amour, celle née entre Trinity et Neo dès le premier volet de la saga des sœurs Wachowski.
Dans Matrix Resurrections, voilà donc Neo redevenu Thomas Anderson. Il est concepteur de jeux vidéo, notamment récompensé pour la création de… Matrix, une série de jeux à succès. Ses souvenirs ont été effacés et Trinity, Morpheus et l’Oracle ne sont plus que les personnages d’un jeu vidéo qu’il confond parfois avec le réel.
Thomas Anderson est aussi un peu amoureux d’une femme qu’il croise régulièrement dans le café où il a ses habitudes. Elle s’appelle Tiffany et ressemble de façon flagrante à l’héroïne de son jeu vidéo. Elle est aussi mariée et mère de famille. De Trinity, il lui reste surtout une passion pour la moto et une étrange attraction pour cet inconnu qu’elle ne devrait pourtant jamais avoir rencontré.
Matrix Resurrections est l’histoire d’un amour qui transcende la Matrice et l’oubli, plus fort que des souvenirs effacés et capable de réconcilier Neo et Trinity avec la réalité.
Les retrouvailles de Neo et Trinity – Thomas et Tiffany – sont particulièrement émouvantes. Ce sont celles de deux visages familiers qu’on sait avoir partagé cette extraordinaire histoire d’amour, désormais grisonnants et magnétiquement attirés l’un vers l’autre tout en étant persuadés de ne pas se connaître.
Dès Matrix, en 1999, Neo était l’Élu. Bien sûr, son nom est l’anagramme de « One », « l’Élu » étant la traduction de l’anglais « The One ». Mais son pseudonyme de hacker évoque naturellement la particule néo, préfixe qui indique la nouveauté, tout particulièrement en philosophie, un domaine qui a notamment inspiré les sœurs Wachowski lorsqu’elles ont construit l’univers de Matrix. Le mot vient du grec et signifie « Nouveau ».
C’est justement l’irruption de cette nouveauté, de cet élément perturbateur dans la Matrice, qui déclenchait les événements de la trilogie, conduisant à la révolution de l’Homme contre les machines.
Mais Neo a mis longtemps avant d’assumer son statut d’Élu. Pire encore, il était persuadé de ne pas vraiment l’être. Dans le premier film, l’Oracle lui dit d’ailleurs qu’il n’est pas l’Élu, lui annonçant exactement ce qu’il avait besoin d’entendre. Deux personnes en revanche en sont persuadées : Morpheus et Trinity.
Pour Trinity, ce n’était pourtant pas gagné. D’abord méfiante vis-à-vis de cet inconnu, elle finit par en tomber amoureuse et par croire de toutes ses forces en Neo. Là, elle se met aussi à croire qu’il est bien l’Élu. Parce qu’à elle, l’Oracle a jadis annoncé quelque chose de différent : elle lui a dit qu’elle tomberait un jour amoureuse, et que cet homme qu’elle aimerait serait l’Élu.
Alors que Neo est au bord de la mort dans Matrix, Trinity lui chuchote la prophétie qui lui a été faite. Il ne peut pas mourir parce qu’on lui a dit qu’elle serait amoureuse de l’Élu, et qu’elle est tombée amoureuse de lui. La conclusion logique veut donc que Neo soit l’Élu.
Alors que Morpheus en est déjà persuadé, Neo ne croit donc initialement pas être l’Élu. Ce n’est que parce que Trinity y croit, et qu’elle croit en lui, que Neo cesse de douter de lui-même et se met à assumer sa position et son statut.
👼 Trinity dans Matrix, une figure de salvation
C’est ainsi par Trinity que Neo devient alors véritablement l’Élu. C’est cet amour qu’elle lui porte qui se trouve être la genèse de Neo comme Élu, comme cette figure de sauveur qu’il incarne dans la trilogie.
En le sauvant de la mort comme elle le fait, Trinity a elle-même une connotation divine qui n’est pas sans faire écho à son prénom. Là aussi, il s’agit de son pseudonyme, un nom qui signifie évidemment « Trinité » et n’est pas sans évoquer la Sainte Trinité : le Père, le Fils et le Saint-Esprit.
Si Morpheus incarne initialement cette figure paternelle et Neo, le nouveau, celle du Fils, cela laisse donc le Saint-Esprit à Trinity, qui lèvera Neo des morts et sera la vraie sauveuse du film : celle par qui Neo quittera la Matrice.
Son amour est si puissant qu’il ramène Neo de la mort. Elle incarne ainsi la salvation chrétienne qu’annonce son prénom, ainsi que la vie éternelle qu’il est possible d’atteindre par le biais de la Sainte Trinité.
Bref : sans Trinity, pas d’Élu. Elle est là pour le guider à chaque étape. Sans elle, Neo serait resté Thomas Anderson. Sans elle encore, Neo ne serait jamais parvenu à Morpheus et n’aurait jamais choisi la pilule rouge. Sans elle toujours, Neo serait probablement mort dans son fauteuil et Matrix se serait arrêté là.
Dès lors, il n’est probablement pas surprenant de lire la dédicace que fait Lana Wachowski à ses parents dans le générique de Matrix Resurrections. « Love is the genesis of everything », écrit-elle. Soit, pour les non-anglophones, « L’amour est la genèse de tout ».
Matrix Resurrections va au bout de cette idée. Ainsi, le film débute en rejouant l’ouverture du premier Matrix, plaçant une fois encore Trinity au début de tout. C’est dans cette scène que s’insère Bugs, une scène centrée non autour de Neo, mais bien de Trinity. Là aussi, elle sera la genèse de l’histoire.
Elle en sera aussi – et surtout – la clef. La quête de Matrix Resurrections sera celle de Neo, décidé à retrouver Trinity pour l’arracher à la Matrice. Dans un retournement des rôles, c’est cette fois lui qui ira la sortir de son cocon pour la faire renaître.
Mais pour cela, il faudra la convaincre. Il faudra aller la chercher au plus profond d’elle-même pour passer outre l’amnésie et lui rappeler par un mot, un geste, l’amour qui les unit. Cet amour est plus fort que les interrogations sur la réalité et capable de jeter un pont entre la Matrice et le Réel, conduisant à la chute de l’Analyste.
Pour gagner la partie cette fois-ci, tout reposera donc sur les épaules de Trinity. C’est son choix, et pas celui de Neo, qui est tout l’enjeu du film, son choix à elle qui libèrera l’humanité. Il faut qu’elle accepte d’elle-même de quitter la Matrice et Neo est tellement persuadé qu’il y arrivera qu’il accepte de se rendre si Trinity ne le suit pas.
Mais n’a-t-elle finalement pas toujours joué ce rôle ? N’est-ce pas Trinity qui, depuis le tout premier Matrix, a donné à Neo la force de s’accomplir ? Et ainsi, n’a-t-elle pas toujours été celle qui portait le destin du monde sur ses épaules ?
À la fin du film, c’est Trinity qui récupère le pouvoir de voler que Neo n’arrive pas à retrouver dans ce volet. C’est très littéralement elle qui le sauve, le porte et l’entraîne. « Love lift us up where we belong », chantait Joe Cocker (désolée, on a les références qu’on mérite).
Dans Matrix Resurrections, l’émancipation passera donc par l’amour. C’est peut-être là la seule échappatoire à la Matrice, en tout cas le moteur de la libération. Quoi qu’il en soit, le salut n’aura donc jamais été le fait d’un homme, mais celui d’une femme – ou peut-être de leur couple.
Et, finalement, peut-être est-ce là ce qu’il fallait venir chercher dans ce nouveau Matrix. Pas un film d’action au goût d’autrefois, mais une histoire d’amour. Une histoire d’amour qui a toujours été au cœur de la saga pour ceux qui voulaient bien la voir.