Si comme moi vous avez grandi dans les années 90 et 2000, vous savez que les meilleurs films de Noël sont Die Hard (si), Maman, j’ai raté l’avion, Le Grinch et, pour les plus romantiques d’entre nous, Love Actually. Enfant, vous saviez aussi que regarder la télévision pendant vos vacances de Noël chez vos grands-parents ou votre tante Monique voulait dire regarder une énième rediffusion du Père Noël est une ordure et de La vie est belle – le film de Capra, pas celui sur la déportation.

Aujourd’hui, les films de Noël sont devenus une véritable industrie. Une industrie qui a ses géants, comme Hallmark et Netflix. Tous les ans, ils publient dès l’automne le calendrier de sortie de leurs (télé)films de Noël, comme une sorte de calendrier de l’avent avec des films à la place des chocolats.

Si les films de Noël ne datent pas d’hier, ils ont certainement proliféré ces dernières années. Chaque année, Netflix double son contenu thématique sur Noël. La chaîne américaine Lifetime en fait autant. Mais alors, comment expliquer un tel succès ? Et surtout, qu’est-ce qui a changé ?

🎄 Aux origines du boom des films de Noël

Films de Noël HallmarkCette tendance croissante remonte à une douzaine d’années. C’est en 2009 que la chaîne Hallmark, spécialisée dans les téléfilms romantiques de qualité généralement discutable, a commencé à parier sur les films de Noël pour varier ses contenus. C’était la première année du Countdown to Christmas, le compte-à-rebours télévisuel de la chaîne vers Noël.

Il faut aussi souligner qu’Hallmark est également connue pour ses cartes : la production de téléfilms de Noël s’inscrivait donc dans une volonté de lier la chaîne à cette autre activité. Et ainsi, Hallmark pouvait régner sur les foyers américains durant toute la fin de l’année.

C’est aussi ainsi que la formule parfaite du film de Noël est née : une comédie romantique d’Hallmark avec des flocons en plus. Des films simplistes, bourrés de bons sentiments et à la fin prévisible, mais dont la recette a trouvé preneur, au point qu’Hallmark produise désormais plus de quarante films de Noël par an.

Ces téléfilms ciblent principalement les femmes de 25 à 54 ans et attirent chaque année plusieurs millions de téléspectateurs (3,5 millions en 2019, première année à atteindre les 40 films de Noël diffusés).

La formule est maintenant si bien rodée qu’elle a presque quelque chose de scientifique, du budget (bas) au casting (récurrent), en passant bien sûr par les tropes, ces motifs que l’on retrouve d’un film à l’autre au point qu’ils sont devenus de véritables clichés.

L’héroïne qui revient dans sa ville natale au fin fond de nulle part après avoir construit une brillante carrière à la grande ville ? C’est un trope. Le protagoniste masculin qui est secrètement un prince ? C’est un trope. La compétition de pain d’épices/défilé de Noël/pâtisserie au cours de laquelle les deux protagonistes passeront de rivaux à amants ? C’est encore un trope.

Si Hallmark a continué de surfer sur ce que la chaîne a créé il y a douze ans, c’est parce que cette formule fonctionne. Le kitsch est devenu cool : il suffit de regarder les réseaux sociaux. Dès qu’Halloween est passé, les films de Noël envahissent les services de streaming et les chaînes TV.

Comme les audiences étaient au rendez-vous, le phénomène s’est déplacé sur d’autres chaînes, Lifetime en tête. Avec la montée du streaming, il s’est logiquement installé sur Netflix, Disney+, Amazon Prime et Apple TV, qui sont devenus de sérieux concurrents à l’usine à téléfilms de Noël des acteurs historiques.

🎁 À la recherche du feel-good movie de Noël

La vie est belle film de NoëlLa raison première de ce succès se trouve dans la période de l’année elle-même. Si les films de Noël fonctionnent si bien, c’est parce qu’ils sont diffusés à Noël. Il fait froid et il pleut, on a envie de se rouler en boule dans son lit avec un film. Il n’a pas besoin d’être bon : il a besoin d’apporter sa dose de réconfort.

Les films de Noël se laissent regarder sans réclamer trop d’attention ou de concentration. Parce qu’ils sont pleins de ces tropes, ils se ressemblent un peu tous. On peut facilement s’endormir devant au milieu de l’après-midi entre la dinde et le canard sans rien rater de l’intrigue.

Ils sont aussi pleins des sentiments qui sont associés à Noël : la joie de vivre, l’esprit familial, la réconciliation. Ce sont les lumières, la neige, les cadeaux. C’est la raison pour laquelle on y retrouve si souvent ces petites villes tout droit sorties d’une carte postale et forcément enneigées. Elles sont le reflet exact du Noël parfait.

Souvent un peu mielleux et toujours débordants de bons sentiments, les films de Noël sont le reflet d’une inatteignable perfection.

Nous savons bien que notre Noël à nous ne ressemblera pas à celui de Sarah, avocate new-yorkaise qui retourne dans sa petite ville natale pour tomber amoureuse d’un bûcheron au grand cœur en chemise à carreaux.

Chez nous, nos grands-parents s’engueuleront sur le vaccin et Macron, la tante Monique embrayera sur la montée de l’extrême-droite et la dinde sera trop cuite. Les films de Noël représentent une échappatoire, l’antidépresseur dans lequel se réfugier et où les valeurs sont toujours à l’opposé de notre réalité : le stress, les fins de mois à boucler, le Covid, etc.

On peut aussi arguer que les films de Noël vont même un peu plus loin. D’une certaine façon, ils sont aussi le miroir de nos aspirations. Ils mesurent la façon dont nous aimerions bien vivre notre vie : un peu plus d’éthique, d’amour, de morale et d’harmonie. Une réalité alternative un peu plus rose que la nôtre.

Aujourd’hui, ils sont presque devenus un rituel dont se sont notamment emparés les jeunes. Et ce n’est pas un hasard. À une période cruciale de l’année, les films de Noël interrogent aussi sur notre quotidien, nos relations, nos vies.

À travers cette avocate de retour dans sa ville paumée, ces films opposent deux sortes de valeurs : l’ambition et le matérialisme versus ce monde idéalisé où l’entraide et la fraternité sont reines.

Ce n’est probablement pas un hasard non plus si la popularité des films de Noël s’est envolée ces dernières années. Quoi qu’il arrive, ces films finissent bien. Tout va bien dans le meilleur des mondes, et c’est une évasion au chaos de la réalité.

📽️ Ce que les films de Noël nous disent de l’industrie télévisuelle et cinématographique

Miracle on 34th Street film de NoëlSi les films de Noël ont eu droit à un vrai boom de popularité au cours des dix dernières années, ils sont aussi vieux que l’histoire du cinéma. Le premier film de Noël, Père Noël (Santa Claus en VO) de George Albert Smith, remonte à 1898 – quelques années seulement après les débuts du cinéma.

Les premiers films de Noël étaient naturellement muets, mais ils n’ont pas disparu avec le cinéma parlant. Ils ont connu leur premier âge d’or dans les années 1940 et 1950. C’est la période qui a vu sortir La vie est belle, mais aussi Miracle on 34th Street ou encore White Christmas, des films qui sont aujourd’hui partie intégrante de la culture populaire.

Est-ce un hasard si cet âge d’or a commencé juste après le début de la Seconde Guerre Mondiale, soit précisément au moment où le public avait bien besoin d’une échappatoire au quotidien ? Soulignons qu’il ne s’agit pas de films de Noël pour enfants, comme on a pu en produire un certain nombre par la suite, mais bien de films destinés à un public adulte.

Preuve du succès de ces films, les acteurs incontournables de l’époque y sont tous passés : Cary Grant lui-même a joué dans Honni soit qui mal y pense (The Bishop’s wife en VO), sorti en 1947.

Quelques années plus tard, la télévision a connu son grand essor. Et elle aussi s’est mise aux films de Noël, d’abord en ciblant les enfants dans les années 1960-1970. L’animation de l’époque avait pour habitude de produire un épisode spécial de Noël chaque année.

La télévision coûtait aussi moins cher que le cinéma, et c’est donc là qu’ont proliféré les films de Noël. C’est là que ses rediffusions ont permis à La vie est belle de devenir un film culte, ce qu’il n’avait pas su être au cinéma où il avait flopé au box-office.

Indirectement, c’est aussi grâce à la télévision que les films de Noël ont connu un nouvel âge d’or des années 1980 à 2000. Plus exactement, c’est grâce à la VHS, puis au DVD. Aujourd’hui, le streaming a fait que le Blu-Ray ne peut pas prétendre au marché monstrueux qu’ont été les cassettes et le DVD.

Mais eux ont représenté des milliards. Cela signifiait que tout ne se jouait pas au cinéma et qu’il était possible de produire des films à plus gros budget en comptant sur les ventes des VHS ou DVD par la suite.

Love Actually film de Noël

Au cinéma, les films de Noël pour enfants se disputent alors à ceux destinés aux adultes. C’est tantôt Love Actually (2003), tantôt Le Pôle Express (2004). À la télévision, les films de Noël sortent chaque année tout au long des années 80, 90 et 2000. Finalement, à la toute fin des années 2000, Hallmark et Lifetime ont fait des films de Noël leur signature.

Le streaming est venu bouleverser cette domination. Netflix, Amazon, Disney+ produisent tous leurs propres films de Noël chaque année, tout en se battant pour les droits des autres. Et si la multiplication de ces productions montre bien l’évolution de l’industrie, leur contenu tend aussi à s’inscrire dans son époque.

Longtemps, les films de Noël ont été le terrain de jeux de couples blancs, hétérosexuels et de classe au moins moyenne. Des familles « traditionnelles ». Certes tardivement, et certes lentement, les choses commencent à changer.

Cette année, Netflix a sorti son premier film de Noël homosexuel : Que souffle la romance, ou Single all the way en VO. L’année dernière, Kristen Stewart tenait le rôle principal dans Ma belle-famille, Noël et moi, sorti sur Hulu et disponible en France sur Amazon Prime Video.

Petit à petit, les castings s’élargissent, comme dans Operation Christmas Drop (2020) ou The Holiday Calendar (2018). Et ainsi, de la même façon qu’ils incarnent depuis le début du cinéma et de la télévision les évolutions de l’industrie, les films de Noël se font le reflet des changements progressifs des représentations sur le petit et le grand écran.