Attention ! Cet article contient des spoilers sur la fin de Mass Effect (et tout ce qu’il y avant) !
Incontestablement, Mass Effect est un représentant emblématique du RPG occidental. Un space opera dont l’univers de science-fiction est l’un des plus importants de notre génération ; un projet extrêmement ambitieux qui a laissé un lourd héritage tant dans son genre que son support, le jeu vidéo.
Lorsque Casey Hudson a proposé sa trilogie à BioWare, sans doute n’osait-il pas espérer que ce qui n’était pas encore Mass Effect deviendrait un tel monument du jeu vidéo et de la science-fiction. À l’époque, il imagine quelque chose d’un peu fou pour ce début des années 2000 : une trilogie, déjà, où les choix du joueur seraient pris en compte d’un jeu à l’autre. Il pitche à BioWare un vaisseau spatial personnalisable, des dizaines de mondes à explorer générés de façon procédurale (coucou, No Man’s Sky !), des relations avec ses coéquipiers, et un gameplay comme on n’en a encore jamais vu.
Le projet est en fait trop ambitieux. Il faut abandonner certaines idées : un mode multijoueur qui aurait permis aux joueurs de s’échanger des ressources en ligne et la génération procédurale des planètes sont notamment écartés. Mais s’il est vrai qu’aujourd’hui le gameplay du premier Mass Effect, sorti en 2007, a quelque peu vieilli, il est aussi venu bouleverser le RPG en proposant une formule nouvelle, qui sera revue, enrichie et améliorée pour les volets suivants.
Mais au-delà de ce qu’il a changé en termes de personnages, de romances, de gameplay et de lore, Mass Effect a aussi montré qu’il n’avait pas peur de s’attaquer à des thématiques ou questionnements éthiques et philosophiques.
Mass Effect, raconte-moi la vie…
Au cœur de la saga se trouve le personnage qu’incarne le joueur : le commandant Shepard. Au joueur le privilège de son genre, homme ou femme, de son prénom, de sa classe, de son histoire. Puis il s’embarque dans une incroyable épopée spatiale dans laquelle Shepard va rapidement se retrouver avec le poids du monde sur les épaules.
Sur trois jeux, Shepard, et le joueur à travers lui, va se démener pour accomplir la tâche énorme qu’on lui a confiée : rien de moins que sauver la galaxie. Tous les 50 000 ans, de façon cyclique, la vie évoluée de la galaxie est éradiquée par ceux qu’on appelle les Moissonneurs, sortes de robots géants plus grands qu’un vaisseau spatial et en partie composés de matière organique. Une forme de vie comme on n’en avait jamais vue, même dans le monde de Mass Effect.
Justement, la vie est l’une des grandes thématiques de la saga. Mais quelle vie, au juste ? Qu’est-ce qu’elle signifie, cette vie ? Mass Effect se déroule au XXIIème siècle, dans un futur où cohabitent de nombreuses races et cultures différentes, dans un grand melting pot dont l’apparente utopie tombe assez vite. Parmi ces races, on compte par exemple les Asari, qui ressemblent beaucoup à l’être humain, à ceci près qu’ils répondent plutôt à nos standards féminins, qu’ils sont bleus et qu’ils ont des tentacules sur la tête. On peut aussi citer les Turiens, presque reptiliens, qui sont la première espèce que rencontre l’Homme – d’où une guerre qui a marqué les deux races.
Et puis il y a les machines. Les Moissonneurs, bien sûr, qui ne sont ni vraiment êtres organiques ni vraiment êtres synthétiques, mais aussi ceux qu’il est plus facile de classer. Ce sont notamment les Geths, des machines conscientes créées par le peuple des Quariens, qui les ont d’abord construits pour les utiliser comme main d’œuvre gratuite.
Naturellement, il n’était originellement pas question d’en faire des êtres doués de sentience. Mais à force de les améliorer, les Quariens ont permis aux Geths de développer une conscience commune. Réalisant avec effroi leur erreur, les Quariens ont voulu détruire leur création. Pour survivre, les Geths se sont donc rebellés : ils ont chassé de leur propre planète les Quariens, désormais condamnés à errer dans l’espace sans pouvoir regagner leur monde devenu inhabitable.
Les Geths ne sont pas la seule forme de vie synthétique de Mass Effect. Le jeu met également en scène de nombreuses intelligences virtuelles, mais aussi de vraies intelligences artificielles. C’est pourtant l’un des tabous de cet univers : le développement d’une véritable intelligence artificielle est interdit et constitue un tabou scientifique. Le cas des Geths a refroidi la communauté galactique, qui voit désormais l’IA comme un danger.
L’opposition entre vie synthétique et vie organique est un thème central de la série. Cycle après cycle, les êtres organiques sont moissonnés au même stade de leur développement scientifique, et l’Histoire ne devient alors plus qu’une suite de catastrophes où l’IA les a éradiqués.
Shepard vient bouleverser ce concept d’Histoire cyclique. Après avoir combattu les Geths dans Mass Effect premier du nom, il rencontre deux formes d’IA dans Mass Effect 2 : IDA, l’IA de son nouveau vaisseau, et Legion, un Geth. Tous deux font partie de son équipage et l’accompagnent dans ses missions. Et ce faisant, Shepard et le joueur avec lui s’attachent terriblement à ces personnages. Ils les aident à apprendre, à se développer, à s’intégrer à la communauté. Alors que ces deux personnages s’interrogent sur leur nature, leur existence, mais aussi les relations humaines, le joueur, à travers Shepard, peut les guider dans leur apprentissage.
De dangereuse, la cohabitation entre vie synthétique et vie organique devient profitable. Et la notion de vie perd un peu plus de son sens à chaque jeu, à chaque choix du joueur. Dans Mass Effect 3, voilà qu’IDA et Joker, le pilote, nouent une relation qui tend vers la romance. De son côté, Legion est devenu un frère d’armes et fait partie d’un des choix les plus durs du jeu, où le joueur doit trancher entre les Geths et les Quariens dans le but de mettre enfin un terme à ce conflit interminable.
Oui, les Geths ont chassé les Quariens de leur propre planète. Mais comme le découvre le joueur en avançant dans le jeu, tout n’est pas noir et blanc dans Mass Effect : il y a aussi beaucoup de gris. Car si les Geths se sont révoltés, c’est par instinct de survie. Attaqués par leurs propres créateurs qui ont tenté de les détruire comme on écrase un objet, ils ont simplement lutté pour leur survie.
Et si certains de leurs actes par la suite sont évidemment répréhensibles, comment juger ce qu’il advient d’êtres qu’on a tenté de tuer au moment où ils développaient une conscience ? Alors qu’ils avaient besoin d’être guidés et instruits, les Geths ont dû se battre pour survivre tandis que leurs propres parents leur plantaient un couteau dans le dos. Ce n’est probablement pas une excuse, mais sans doute tout de même une bonne explication…
Dans Mass Effect 3, lors du choix crucial, Legion demande : « Cette unité a-t-elle une âme ? » Cette question, il n’est pas le premier Geth à la poser : c’est celle qui, bien plus tôt dans l’Histoire, a fait comprendre aux Quariens que leurs machines n’en étaient plus vraiment. C’est ce qui a fait basculer l’Histoire, une toute petite question de rien à tout à la portée pourtant immesurable.
L’âme est indissociable de la vie. En latin, anima veut dire « souffle ». C’est ce qui a donné le terme « animal ». On la distingue de l’animus, la pensée, la logique, l’intelligence. Cela, les Geths savent déjà qu’ils le possèdent. Ce qu’ils veulent savoir, c’est s’ils sont animés par un principe vital quelconque, distinct de leur enveloppe physique.
Si le joueur a coché toutes les cases, un autre personnage que lui répond à cette incroyable question : c’est Tali, sa coéquipière Quarienne. En fonction de ses choix précédents, Shepard peut sauver à la fois les Quariens et les Geths, à la fois la vie organique et la vie synthétique. Et à la question de Legion, Tali répond « Oui ». C’est tout. C’est sans appel et c’est immense. C’est reconnaître que la vie ne s’arrête pas à la sienne, que la vie synthétique en fait aussi partie, qu’il est possible de cohabiter et de s’entraider, de faire partie de la même communauté galactique sans s’exterminer tous les 50 000 ans.
Ainsi, Mass Effect n’a donc pas peur d’interroger la signification même de la vie. Une machine est-elle vivante ? Et qu’est-ce que c’est, d’abord, la vie ? Est-ce qu’avoir conscience de son existence, comme l’IA, c’est être vivant ? Est-ce qu’avoir une âme, c’est être vivant ? Peu de jeux vidéo ont osé poser ce genre de questions. D’autant que Mass Effect n’opte jamais pour la solution de facilité : la trilogie ne donne pas la réponse.
Mais confronté à la fin de la saga, le joueur doit prendre un instant pour y réfléchir. Car le voilà soudain face à quatre choix, quatre fins différentes après la terrible guerre qu’il vient de mener :
- Le contrôle : devenant lui-même une superintelligence, Shepard prend le contrôle des Moissonneurs et met de ce fait un terme au cycle de destruction.
- La synthèse : vie synthétique et vie organique sont fusionnées à travers toute la galaxie, permettant aux deux de vivre en paix une bonne fois pour toutes.
- La destruction : les Moissonneurs sont détruits, mais avec eux toute forme de vie synthétique, quelle qu’elle soit.
- Le refus : ajoutée par le DLC Extended Cut, cette fin voit la défaite de Shepard, qui refuse de faire un choix. Grâce aux informations laissées par ce cycle, le prochain remportera la victoire sur les Moissonneurs.
Ces fins ont provoqué un tollé comme on n’en a rarement vu chez les joueurs, furieux contre BioWare. Peut-être à juste titre : aucune n’est vraiment satisfaisante. La synthèse donne à un seul individu le pouvoir de transformer la vie de milliards d’êtres dans la galaxie, et surtout nie tout le travail de Shepard pour faire cohabiter synthétiques et organiques : voilà qu’au lieu d’œuvrer pour vivre en paix, on règle le problème en fusionnant les deux formes de vie.
La destruction, elle, est plus terrible encore : elle ne fait aucune distinction entre les formes de vie synthétiques. Si les Moissonneurs sont donc éradiqués, c’est aussi le cas d’IDA et des Geths. Après avoir passé trois jeux à s’attacher à ces personnages et à prouver que les synthétiques sont plus que des machines et méritent leur place dans la communauté galactique, on peut comprendre la frustration des joueurs.
Une question de vie ou de mort
En fait, la vie et la mort sont bien plus qu’une simple thématique dans Mass Effect : ils constituent le plus grand pouvoir du joueur, toujours à travers Shepard bien sûr. La fin du jeu en est bien sûr l’emblème : en choisissant la synthèse, Shepard modifie de fait la vie de milliards d’individus. En choisissant la destruction ou le refus, voilà qu’il en condamne aussi des milliards à la mort. En cela le joueur n’est peut-être pas si différent des Moissonneurs, qui éradiquent la vie évoluée cycle après cycle, estimant que stopper leur évolution fait partie de leurs prérogatives.
Tout au long de la trilogie, le joueur doit faire des choix. C’est l’une des grandes forces de Mass Effect, l’une de ses spécificités aussi, la façon dont la saga a bouleversé l’univers du RPG et du jeu vidéo. Le joueur se voit investi d’un extraordinaire pouvoir de décision qui le suit d’un jeu à l’autre : les choix, apprend-il, ont des conséquences.
La vie et la mort en font partie. Dès Mass Effect 1, les décisions du joueur ont un impact sur l’existence d’autres individus : sur Feros, à lui de tenter – ou non – d’épargner les colons contrôlés par le Thorien ; sur Virmire, il doit choisir entre deux de ses coéquipiers, Ashley et Kaidan. Le jeu ne permet pas de sauver les deux : il est nécessaire d’en sacrifier un, tandis que l’autre pourra accompagner Shepard jusqu’à Mass Effect 3.
Sur Noveria, le voilà qui se tient debout devant l’une des dernières représentantes de son espèce : une reine Rachni. À Shepard de choisir s’il lui laisse sa chance ou s’il la condamne à jamais au silence. Le joueur se découvre alors un énorme pouvoir : celui de décider du futur d’une espèce entière. Ce ne sera pas la dernière fois : dans Mass Effect 3, le choix entre Geths et Quariens peut voir l’extinction complète de ces derniers.
Et à la fin du premier jeu, le pouvoir de Shepard surpasse celui de tout être de la galaxie : il tient entre ses mains la vie des trois membres du Conseil, qu’il peut choisir de laisser mourir. Il est alors au-dessus de l’armée, car c’est à lui, simple commandant, et non à l’amiral Hackett qui dirige la flotte, de décider de la tournure des événements. Il est aussi au-dessus de la politique galactique, des institutions de plusieurs mondes. Certes, il est Spectre et par-là même autorisé à colorier en-dehors des lignes. Mais il gardera ce rôle jusqu’à la fin de la trilogie : celui à la fois d’un unique individu portant sur ses épaules quelque chose de bien plus grand que lui, l’avenir de la galaxie tout entière, mais aussi d’un tout-puissant dont dépend par conséquent le futur de milliards d’autres.
Car s’il peut donner la mort, le joueur peut aussi donner la vie. Dans Mass Effect 3, un remède contre le Génophage est enfin trouvé. Le Génophage est une arme biologique utilisée sur les Krogans en réponse à l’exponentielle croissance de leur population. Génération après génération, il les impacte durement en limitant à une pour mille le nombre de grossesses viables.
Dans le troisième volet de la saga, Shepard peut choisir de mettre un terme au Génophage en dispersant le nouveau remède dans l’atmosphère de Tuchanka, la planète natale des Krogans. Il peut aussi saboter le remède et mentir aux Krogans, qui resteront donc condamnés à bercer leurs enfants mort-nés. Au joueur, cette fois, de choisir de leur rendre la vie et l’espoir d’un avenir.
C’est l’une des particularités de la trilogie : dans Mass Effect, tout le monde peut mourir. Et ils restent morts. Ashley et Kaidan ne sont pas les seuls à pouvoir périr dans le premier volet. Dans le second, la fin est une énorme mission-suicide où tout le monde, y compris Shepard, peut laisser sa peau. Les coéquipiers du commandant parvenus jusqu’au dernier jeu ne sont pas sûrs d’y être épargnés : si Shepard gère mal sa conduite de la guerre, ils peuvent périr avant la conclusion de celle-ci.
Pour sauver ses camarades, le joueur doit donc agir. Il se voit investi d’un pouvoir quasi-divin et doit faire le bon choix via la roue de dialogue lorsque les options lui sont présentées, ou agir de telle sorte que le dénouement ne soit pas funeste : en récupérant le plus de ressources de guerre dans Mass Effect 3, en assommant les colons de Feros pour leur éviter les balles, en accomplissant les missions de loyauté de ses coéquipiers dans Mass Effect 2…
Mais il y a une mort dans la saga que le joueur ne peut pas éviter : la sienne. Ou du moins, celle de Shepard. Au début du deuxième jeu, le Normandy explose au-dessus de la planète d’Alchera, et le commandant ne fait pas partie des survivants.
Space Jesus
Le thème de la renaissance est évoqué dès Mass Effect 1. C’est Saren qui, tentant de convaincre Shepard de passer de son côté, lui explique qu’il connaîtra une vraie renaissance en œuvrant aux côtés de Sovereign. Lui-même défie d’ailleurs la mort pour revenir affronter Shepard, contrôlé par le Moissonneur. Plus vraiment organique, plus vraiment lui-même, Saren est mi-Terminator Turien, mi-grenouille bondissant sur les murs.
Mais ce n’est qu’au début de Mass Effect 2 que le thème prend toute son ampleur, lorsque Shepard… meurt. Comme le capitaine doit quitter le navire en dernier, le commandant sauve la vie de Joker au péril de la sienne et accompagne le Normandy dans l’au-delà.
Après sa mort au-dessus de la planète d’Alchera, Shepard est ramené à la vie par Cerberus, une organisation pro-humanité menée par le mystérieux Homme Trouble. Le groupe tient naturellement son nom de Cerbère, le chien à trois têtes d’Hadès, chargé de garder les portes de l’Enfer.
Pour revenir à la vie, Shepard doit subir deux ans d’opérations et de manipulations. Le projet qui doit le ressusciter, puisque c’est de ça qu’il s’agit, porte un nom éloquent : le projet Lazare. De l’hébreu El-azar (« Dieu a aidé »), le prénom est porté par deux personnages dans la Bible, notamment par un homme ramené à la vie par Jésus quatre jours après sa mort. Depuis, le nom est devenu dans la culture populaire un symbole de résurrection.
Mass Effect 2 est bien l’histoire d’une résurrection : celle de Shepard, donc. Et les thématiques religieuses liées à sa renaissance parsèment tout le jeu, depuis le bar de l’Afterlife, l’Au-delà, qui est le premier lieu que visite Shepard sur Omega, jusqu’à Archangel, l’Archange protecteur qu’est devenu Garrus en l’absence de son mentor.
Shepard s’affirme désormais comme Jésus de l’espace : investi d’une mission qui le dépasse, il la porte seul sur ses épaules, accompagné par une équipe constituée dans le second volet de douze coéquipiers, comme les douze apôtres de la Bible.
Mais Shepard est aussi un nom qui vient de « shepherd », le berger. Reprenant la thématique biblique du berger qui donne sa vie pour ses brebis, Shepard s’est sacrifié au début du jeu pour être mieux ramené à la vie. Après sa résurrection, il mènera à bien sa tâche – la guerre contre les Moissonneurs et surtout contre l’Apocalypse qu’ils représentent – avant de se sacrifier une nouvelle fois à la fin de Mass Effect 3 : la boucle mort-résurrection-mort est bouclée.
Et comme Jésus, Shepard peut alors entrer dans le mythe, comme en témoigne la scène post-générique du dernier jeu. Dans le futur, un vieil homme raconte les histoires de Shepard à un enfant. Mais il fait référence au commandant en utilisant un article défini : « le Shepard », dit-il. Shepard n’est plus vraiment un être humain, il fait maintenant partie de la théologie galactique.
Mais la renaissance de Shepard n’est pas qu’une simple résurrection. Au tout début de Mass Effect 2, un data log de Miranda montre un enregistrement dans lequel elle explique que pour accélérer le processus visant à ramener Shepard à la vie, les scientifiques ne se sont pas contentés d’une simple reconstruction organique. Elle explique qu’ils ont opté pour une « fusion biosynthétique ».
Bien avant la fin Synthèse, Shepard transcende déjà l’opposition entre vie organique et vie synthétique. Il préfigure et incarne cette synthèse, rendant d’autant plus logique sa lutte pour réconcilier ces deux formes de vie. Il se rapproche aussi un peu plus des Moissonneurs, qui ne sont pas seulement des gigantesques machines, puisqu’ils possèdent eux aussi de la matière organique.
En n’étant plus tout à fait la même personne, Shepard passe donc par une vraie renaissance qui ne s’arrête pas au seul fait de le ramener à la vie. Il est une évolution de l’ancien Lui ; il est passé à quelque chose de supérieur et transcende déjà l’être humain.
Il complètera cette transformation en se sacrifiant une nouvelle fois. Là, il confirme ses pouvoirs divins, puisqu’il porte individuellement l’avenir de la galaxie. Il était le pendant des Moissonneurs ; il devient leur supérieur en ayant la possibilité de les détruire voire même d’en acquérir le contrôle.
Entretemps, la galaxie elle-même a connu l’Apocalypse. Celle-ci a été annoncée à Shepard dès le début de Mass Effect 1 sous la forme d’une vision, exactement comme dans le Livre de la Révélation.
Mais par la main de Shepard et du joueur, la galaxie peut renaître sous différentes formes. Le parallèle avec la Bible est de nouveau évocateur : on peut penser au Déluge, par exemple. Ainsi, la galaxie connaît la colère de Dieu pour mieux renaître, sous la forme d’une certaine utopie qui a lavé les péchés du passé. À son tour, elle aussi a droit à une renaissance.
Mass Effect n’est pas qu’un jeu de science-fiction, pas qu’un space opera. Ce n’est pas non plus un simple support vidéoludique. La saga n’a jamais eu peur de poser des questions, de s’interroger et de filer des thématiques complexes, philosophiques ou religieuses.
En 2012, à la sortie du troisième volet, les joueurs ont massivement protesté contre la fin, au point que les développeurs, profondément affectés, se sont lancés à corps perdu dans la création d’un Extended Cut censé les réconcilier avec leurs fans – globalement en vain.
Quoi qu’on pense de ces fins, elles ont tout de même un mérite : boucler un certain pan des thématiques. Ce pan, c’est notamment la métaphore religieuse filée depuis le début de Mass Effect 1, et la thématique de la renaissance. Après que les Moissonneurs ont apporté la mort à la galaxie, Shepard est investi d’un pouvoir presque divin et est à même de lui rendre la vie.
Lui-même passé par une résurrection miraculeuse, le commandant peut finalement apporter la renaissance à la galaxie, mettant un terme au conflit entre vie synthétique et vie organique qui est à l’origine même de l’Apocalypse. C’est lui qui, le premier, l’a vue venir : avec la vision qu’il reçoit de la balise prothéenne à Eden Prime dans Mass Effect 1, Shepard s’était vu investi d’une mission qu’il ne mesurait pas encore.
Parce qu’il avait eu cette Révélation, c’était à lui de mener le combat pour la renaissance. Il ne pouvait pas empêcher l’Apocalypse de s’abattre sur la galaxie, mais il pouvait lui permettre d’avoir un futur. Et, ce faisant, Shepard accédait enfin au statut vers lequel il avait évolué durant trois jeux : celui d’une figure mythique et théologique.
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